


La médiation culinaire a pour vocation de se détacher de sa fonction nourricière. Elle s’inscrit dans une démarche de sensorialité.
Face à un cogito envahissant ou défaillant, quand la parole a déserté, nos cinq sens nous permettent de ne pas perdre pied, de nous relier au monde en l’appréhendant de manière subjective, de nous sentir vivant. Nos sens nous informent et nous forment.
Même si l’Évolution et notre société occidentale les a hiérarchisé, vue, odorat, toucher, ouïe et goût sont tous accessibles via le médium culinaire.
Réalisant la satisfaction d’un besoin primaire, relié à l’acte maternel originaire, telles des vigies assurant notre survie, les éléments nourriciers sont source de plaisir. Ils nous relient à notre SOI et aux autres.
La cuisine balaie les champs de la santé, de la psychologie, de la philosophie, de la sociologie, de l’art, de l’économie, de l’environnement et de la politique. Chaque individu a son propre rapport à la nourriture. Elle constitue son identité au même titre que la couleur de ses yeux.
Elle vit en chacun de nous dans le réel, dans l’imaginaire et dans le symbolique. Elle nous fait ressentir notre corps, elle nous permet de nous projeter, elle nous structure.
Mélange de nature et de culture, elle suit l’évolution de l’individu au cours de sa vie, allant du présent au passé lorsqu’il s’agit de retrouver sa madeleine de Proust ou au futur quand la perspective
du prochain repas nous fait saliver. Des va-et-vient qui ouvrent au mouvement, à l’élan vital.
Une perte des sens entraîne une perte de sens. Ne dit-on pas “ne plus avoir goût à la vie ?”